3 Questions à Sophie de Reynal Directrice Marketing chez NutriMarketing
Dans un monde où les crises se succèdent et où l'incertitude prévaut, quelle place occupe le plaisir, valeur de réconfort, dans l'innovation ingrédients ? Quels sont les voies pour améliorer l'expérience sensorielle des consommateurs ?
Sophie de Reynal :
Le plaisir est, après le prix, la première motivation d'achat des consommateurs. En alimentaire, le plaisir regroupe des valeurs de gourmandises, de réconfort, de premium, d'exotisme et de nouvelles expériences sensorielles.
Selon l'étude Food 360° 2024 de Kantar pour 75% des consommateurs dans le monde alimentaire = plaisir et pour 78%, la nourriture est source de réconfort ;
Pour ces dernières on parle de métissage des goûts, des textures, des couleurs, des parfums, on s'inspire d'autres marchés, on brise les codes, on abat les frontières, on cherche à surprendre, à émerveiller, à épater, à transporter...
Les ingrédients jouent un grand rôle dans l'innovation en général et dans le plaisir en particulier.
Au regard du vieillissement annoncé de la population, l'innovation santé est promise à un bel avenir. Santé digestive, cognitive, immunitaire... quel segment vous semble le plus porteur. Avec quelles solutions ?
Sophie de Reynal :
Depuis la Covid le rapport des consommateurs à la santé en générale et au vieillissement en particulier a changé.
Nous sommes passés d’une approche curative (j’attends d’être malade pour me soigner) à une approche préventive pour éviter d’être malade. Par ailleurs, nous étions plus dans la lutte contre le vieillissement et le refus de se voir vieillir. La pandémie nous a fait changer de paradigme en nous faisant non seulement accepter le fait que nous vieillissons mais également en nous faisant prendre conscience de l’intérêt de vieillir (voir mourir) en bonne santé.
Alors que l’espérance de vie moyenne est de 77,5 ans pour les hommes et 83,2 ans pour les femmes dans l’Union européenne, elle se réduit à respectivement 63,5 ans et 64,5 ans pour la durée de vie en bonne santé. La France est légèrement au-dessus de la moyenne européenne.
Ainsi selon Santé publique France « La priorité aujourd’hui n’est plus d’allonger la durée de la vie, mais d’améliorer la qualité de vie des personnes vieillissantes ».
Les segments les plus porteurs actuellement sont ceux de l’immunité, la santé mentale (mémoire notamment) et tout ce qui tourne autour de la mobilité (santé articulaire, musculaire et osseuse), mais ils fluctuent en fonction de l’âge des consommateurs.
De nouveaux ingrédients qui ralentissent le vieillissement en ciblant les télomères et les cellules sénescentes arrivent également sur le marché.
Plébiscités dans l’opinion publique, les alternatives végétales doivent relever les défis du goût et de compétitivité prix. Ces défis sont-ils en passe d’être relevés ?
Sophie de Reynal :
Le chiffre d’affaires des alternatives végétales en France a atteint 559,è Mds € en 2024 (+ 6,82 %) (Source : point de vente). Loin d’être le raz de marée annoncé, le marché prend sa place porté par des consommateurs conscients de l’importance de réduire leur consommation de produits animaux en général et de viande rouge en particulier, que ce soit pour leur santé, celle de la planète ou celle des animaux.
Outre le prix, les premiers produits lancés se sont vite heurtés à 2 écueils principaux : l’organoleptique (goût, texture, …) et le clean label. Ainsi les premières alternatives au steak haché pur boeuf contenaient jusqu’à 25 ingrédients dont de nombreux additifs pour tenter d’imiter le goût et la texture de la viande !
Les dernières alternatives sont beaucoup plus convaincantes. On trouve désormais des produits 100 % naturel composés de courte liste d’ingrédients familiers. Les produits s’appuient sur de nouvelles technologies, tant pour la mise au point d’ingrédients (fermentation de précision par exemple) que sur la fabrication des produits avec l’impression 3D !
Par ailleurs, les études montrant que nous sommes et resterons des omnivores, les recommandations sont de réduire notre consommation de produits animaux et non de devenir tous vegan, des produits hybrides mélangeant protéines animales et végétales se développent.